Au Canada, la demande pour des ingénieur·es ne cesse de croître depuis les dernières années, offrant aux femmes une chance unique de renforcer leur présence en ingénierie. Toutefois, si les filles sont plus nombreuses que les garçons dans la plupart des programmes universitaires, l’ingénierie ne les séduit pas encore en grand nombre. Malgré une progression lente, mais constante au cours des dix dernières années — tant en termes d’inscriptions dans les programmes d’ingénierie qu’en intégration au marché du travail — les femmes ingénieures demeurent nettement minoritaires face à leurs homologues masculins.
Le secteur de l’ingénierie au Canada se dit pourtant prêt à accueillir davantage de femmes, et le moment est venu pour elles de laisser leur empreinte dans une industrie en pleine évolution. Chez Can-Explore, nous avons le privilège de compter dans nos rangs des talents féminins d’exception, comme Mahnoush, docteure en ingénierie des eaux qui s’est jointe à nous au printemps 2024. Pour mieux comprendre son parcours et ses aspirations, notre rédacteur Jonatan l’a rencontrée pour une entrevue.
Bonjour Mahnoush ! D’abord merci pour ton temps aujourd’hui, je sais que c’est la haute saison pour Can-Explore en ce moment. J’aimerais commencer par en apprendre un peu plus sur toi. Peux-tu me parler de ton parcours professionnel et académique?
Bonjour, Jonatan, ça fait plaisir ! Oui, alors j’ai commencé par faire un baccalauréat en ingénierie de l’eau et des eaux usées. Après mon BAC, j’ai fait quelques stages pour mieux connaître l’environnement professionnel. J’ai fait une maîtrise en ingénierie environnementale par la suite, où mon projet portait sur l’optimisation de la résilience des systèmes de distribution de l‘eau potable. Je suis finalement venue à l’Université Laval pour faire un doctorat en ingénierie de l’eau, où j’ai travaillé spécifiquement sur l’optimisation de la qualité de l’eau et des systèmes de distribution de la ville de Québec. J’ai commencé à travailler pour Can-Explore juste après!
C’est un parcours remarquable Mahnoush, toutes mes félicitations! Je suis curieux, comment ça se passe au niveau de la qualité de l’eau à Québec? C’est l’une des plus anciennes villes d’Amérique du Nord, est-ce que c’est un cauchemar pour une ingénieure des eaux?
Non, c’est bien (rires)! Ça peut certainement être amélioré, mais c’est très bien! Quand j’ai étudié la distribution d’eau de la ville de Québec, j’ai vu des tuyaux métalliques qui avaient plus de 120 ans et je me demandais comment ils pouvaient encore fonctionner, c‘est assez impressionnant! C’est sûr qu’ils ont fait de l’entretien, comme installer des nouveaux tuyaux avec des matériaux modernes à l’intérieur des anciennes canalisations, mais c’est vraiment amusant pour moi de travailler ici. Disons que c’est une ville unique qui m’apporte des beaux défis.
Une bonne nouvelle! En tout cas ça me rassure de savoir que nos systèmes sont gérés par des gens aussi qualifiés! As-tu toujours su que tu voulais être ingénieure Mahnoush? Est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur qui t’a fait plonger dans le domaine?
Non pas vraiment. Quand j’étais jeune, j’étais toujours très curieuse et j’adorais résoudre des problèmes. J’étais un enfant qui posait beaucoup de questions! J’ai toujours été très bonne en mathématiques, donc pour moi, il n’y avait pas beaucoup d’hésitation autour de la décision.
On sait que bien souvent, nos parents essaient de nous pousser vers ce qu’ils pensent être le mieux pour nous, par bienveillance. On sait aussi qu’il existe encore des préjugés concernant la place des femmes dans les domaines de l’ingénierie, est-ce que tes parents t’ont encouragé à suivre ce chemin-là?
Oui, mes parents m’ont toujours encouragée et soutenue, surtout ma mère. Je pense que ça joué un rôle important dans mon cheminement jusqu’à mon doctorat. Ils ont toujours respecté mes décisions et m’ont toujours encouragée à suivre mon cœur.
Je suppose qu’avoir des personnes autour de soi qui nous soutiennent, ça fait une grande différence. En tout cas, de mon côté, je trouve que c’est beaucoup plus difficile de progresser tout seul.
Oui complètement. Je pense que certains de mes succès sont dus à ces personnes-là qui m’ont soutenue, aux gens qui me comprennent, aux amis qui m’ont encouragé dans ma décision de changer de pays même si ça complique les choses pour eux. Mais ils vous comprennent et vous aiment, donc ils vous soutiennent quand même. Je souhaite à tout le monde la même chose, ça vraiment fait une grande différence pour moi.
« La vérité c’est que j’aime vraiment mon travail ici. C’est pas seulement une question d’ingénierie, mais aussi d’amitié, de langue et de culture québécoise. »
Can-Explore est assez flexible avec les horaires de travail, sens-tu que l’entreprise te laisse de la liberté pour rendre visite à ta famille et à tes amis?
Oui, si je voulais, je pourrais y aller à presque n’importe quel moment, tant que ça n’affecte pas mon travail. Mais je n’utilise pas beaucoup ce privilège pour le moment. La vérité c’est que j’aime vraiment mon travail ici. C’est pas seulement une question d’ingénierie, mais aussi d’amitié, de langue et de culture québécoise. C’est un environnement professionnel qui me donne envie d’en apprendre plus juste en étant ici et en communiquant avec les gens. Mais oui effectivement, c’est rassurant de savoir que si quelque chose arrive de l’autre côté avec la famille ou les amis, je pourrais simplement y retourner sans que ce soit compliqué.
Je peux comprendre que c’est un sentiment rassurant considérant la distance qui vous sépare. Dans tes expériences de travail précédentes, est-ce que c’était aussi flexible?
Malheureusement non et surtout avant la crise de la COVID ce n’était pas quelque chose d’acceptable. Même les horaires flexibles n’étaient pas vraiment acceptés. Je pense que c’est beaucoup plus agréable comme c’est aujourd’hui et Can-Explore fait un bon travail à ce niveau-là, surtout en hiver! Je ne suis pas habituée à vos tempêtes de neige! Je ne peux pas conduire dans 4 pieds de neige, ça me stresse tellement (rires)! Je ne comprends pas comment vous faites!
Mahnoush au travail dans les bureaux de Can-Explore à Québec.
Oh oui (rires)! Je pense qu’on s’est habitué, même si de mon côté je n’ai pas l’impression de m’améliorer avec le temps! Si je reviens au sujet de ta formation, est-ce que tu as eu des mentors qui ont fait une différence dans ton parcours? Y a-t-il eu des modèles qui t’ont fait persévérer?
Je ne peux pas te donner un seul nom, mais dans ma vie, j’ai toujours eu des objectifs à court et à long terme. J’ai toujours pu trouver ces personnes qui m’ont aidé à atteindre ces objectifs, et pour qui ces objectifs ont été bénéfiques. J’essaie de les suivre, d’apprendre d’eux et de leur poser des questions, comme certains de mes professeurs de mathématiques. Ils ont joué un rôle important pour moi dans la poursuite de mon parcours jusqu’au doctorat. Sinon, mes collègues ici m’aident beaucoup au quotidien. J’apprends d‘eux tous les jours et c’est très enrichissant pour moi.
Tu dis que tu avais des objectifs qui t’ont motivé, peux-tu me donner un exemple d’un objectif que tu as atteint et qui te rend fière?
Quand mes articles ont été publiés pendant mes études. J’ai travaillé très fort et j’ai eu 4 articles au total qui ont été publiés ! J’en suis très fière, surtout pour le dernier qui était vraiment exigeant. C’est un article qui m’a permis d’aller en Angleterre pour développer mon modèle d’optimisation de la qualité de l’eau potable. L’Angleterre est renommée pour son expertise en ingénierie de l’eau et j’étais vraiment fière de faire une bonne impression là-bas. J’ai même été interviewée pour leur site web ! C’était très gratifiant de pouvoir discuter avec des gens qui savent exactement de quoi je parle. Je pouvais aller directement dans le vif du sujet.
Félicitations Mahnoush! C’est tout à ton honneur! J’aimerais te demander à quoi ça ressemble une journée de travail typique pour une docteure en ingénierie des eaux? Qu’est-ce que ça mange en pleine tempête de neige?
Pour moi, travailler chez Can-Explore, c’est d’évoluer dans une entreprise dynamique avec une bonne ambiance. Les gens coopèrent très bien et répondent à vos questions, parce que oui, je pose encore beaucoup de questions (rires). Je me sens très soutenue par les gens. Le travail d’équipe est une réalité ici, pas seulement une idée. Il n’y a pas de mission solo où tout le monde travaille tout seul dans son coin. On travaille ensemble et si on a besoin d’aide, on est encouragés à demander de l’aide.
Mahnoush expliquant les résultats de sa thèse au congrès INFRA du CERIU.
Qu’est-ce que l’ingéniosité pour toi ? Comment t’en sers-tu dans ton travail ?
C’est de prendre la bonne décision au bon moment. Je pense que pour tous les ingénieurs, et même pour tout le monde, on doit avoir un certain niveau d’ingéniosité. Par exemple, dans le problème que j’ai actuellement dans l’inspection d’un réseau de canalisations, on doit déterminer quels problèmes sont importants et lesquels le sont moins, pour ne pas investir la même quantité de temps dans chacun d’eux. Tout a un coût, et ça fait aussi partie de mon travail. Avec un budget illimité, ça serait beaucoup plus facile de résoudre tous les problèmes ! Mais la question est toujours de savoir comment on peut obtenir les meilleurs résultats avec le moins d’argent possible. C’est là qu’on doit être le plus ingénieux.
J’aimerais qu’on discute un peu des stéréotypes de genres dans le domaine. As-tu l’impression de devoir faire des efforts supplémentaires par rapport à tes collègues masculins au niveau de ta crédibilité ?
Oui, j’ai déjà eu le sentiment d’être moins crédible à côté d’un homme, surtout durant mes premiers stages que j’ai fait après mon baccalauréat. J’ai eu l’impression que mon manque d’expérience s’additionnait à mon statut de femme dans l’industrie, et là j’ai ressenti les stéréotypes. J’ai dû me poser des questions parce que j’aimais ma formation, mais je n’aimais pas cette ambiance. J’ai d’abord pensé que je pouvais devenir enseignante et rester dans la sphère académique du domaine, parce que je n’avais jamais vécu ce genre de situation à l’école, c’était surtout sur le terrain, et avec la génération plus vieille. Quand ils me voyaient, disons que ça les surprenait. Ils faisaient une blague là-dessus et ça me mettait mal à l’aise.
Heureusement, pendant ma maîtrise et mon doctorat, je n’ai jamais revécu une situation dans le genre. En rejoignant Can-Explore juste après, j’ai aussi ressenti un grand changement par rapport à il y a 10 ans. C’est une jeune entreprise qui emploie aussi beaucoup de jeunes de la nouvelle génération, et ils ne me voient pas comme « une femme dans l’industrie ». Ils me voient comme une personne, c’est tout. C’est très agréable de travailler avec eux. Ils aident les femmes à se sentir accueillies et ils nous voient comme des êtres humains égaux. Même quand je vais sur le terrain, je sens que la mentalité a beaucoup changé. Je sens que le même esprit s’est répandu partout dans l’entreprise.
Ça me remplit d’espoir et de fierté d’entendre ça. C’est une très bonne nouvelle. J’aimerais te demander ce que tu aimes le plus dans ton travail Mahnoush ?
J’ai étudié ce domaine pendant longtemps à l’école, mais maintenant, tout ce que je fais c’est concret ! Mes talents en maths m’aident à résoudre de vrais problèmes et tout ce que j’ai appris m’est utile! C’est très gratifiant et je suis reconnaissante que Can-Explore me donne cette chance. Disons aussi que je suis une personne assez réservée, j’aime la quantité d’interactions que j’ai chaque jour. C’est assez pour que je ne me sente pas seule, mais pas trop pour m’affecter négativement.
« C’est sûr que c’est pas toujours facile de trouver un équilibre entre sa carrière et sa vie personnelle, mais je pense que c’est tout à fait possible, surtout si vous avez des personnes qui vous soutiennent autour de vous, et si vous les choisissez bien. »
Une réponse très honnête, je pense que plusieurs lecteur·trices vont se reconnaître dans tes mots. Peux-tu me partager une histoire ou un succès par rapport à ton travail ou à ta formation qui te rend particulièrement fière?
Je suis vraiment fière d’avoir terminé mon doctorat à temps durant la pandémie. Pour le terminer, j’avais besoin d’analyser beaucoup d’échantillons, mais tous les laboratoires étaient fermés pendant ma première année du doctorat. Le problème, c’est que quand on ne termine pas son doctorat à temps, les opportunités et les fonds diminuent. Ça m’a causé beaucoup d’anxiété parce qu’il a fallu répéter le prélèvement d’échantillons un an plus tard, et j’ai dû condenser tout le reste du travail. Comme tout le monde, j’étais aussi bloquée à la maison. Ça été difficile de faire ce diplôme-là dans un autre pays en étant isolée à la maison, mais tout s’est bien terminé et je suis très fière de moi. C’était beaucoup de pression!
Toutes mes félicitations Mahnoush, je suis bien heureux pour toi et je pense que tu peux être très fière de ton parcours! Merci beaucoup pour tes réponses, on arrive déjà vers la fin de mes questions. Avant de terminer j’aimerais qu’on aborde ensemble la question de la balance entre le professionnel et la vie personnelle ou familiale. Est-ce que c’est quelque chose qui te préoccupe?
C’est sûr que ce n’est pas toujours facile de trouver un équilibre entre sa carrière et sa vie personnelle, mais je pense que c’est tout à fait possible, surtout si vous avez des personnes qui vous soutiennent autour de vous, et si vous les choisissez bien. De mon côté, je n’ai pas encore d’enfants, mais c’est un projet que j’ai avec mon partenaire pour l’avenir! Je ne suis pas trop préoccupée par l’équilibre entre ma vie personnelle et mon travail. J’ai des préoccupations, mais c’est surtout sur le fait de donner naissance en tant que tel! (rires)
Qu’est-ce que tu dirais aux jeunes étudiantes qui hésitent à se lancer dans une carrière en génie?
J’aimerais leur dire : ayez un plan, suivez votre cœur et justement, n’ayez pas peur. Si vous aimez ça, suivez le chemin. Le milieu est prêt pour les femmes. Si les hommes ont confiance en eux, alors faites-vous confiance. Vous verrez que tout le monde vous fera confiance aussi.
Mahnoush merci pour les mots, merci pour ton temps. Je te souhaite la meilleure des continuités dans tous les aspects de ton travail et de ta vie personnelle.
Merci à toi, Jonatan, ça été très plaisant ! Je te souhaite la même chose.
Découvrez d’autres histoires inspirantes !
Ne manquez pas nos autres articles qui mettent en lumière les talents et les innovations chez Can-Explore. Cliquez ici pour plonger dans notre bibliothèque d’articles et rester à jour sur nos initiatives passionnantes !